NANA RASHID

L'Astrada de Marciac, dimanche 21 juillet 2024

Chronique d'Annie Robert / Photographies : tous droits réservés

Nana Rashid, couverture de l'album "Music for Betty"
Nana Rashid, album "Music for Betty"

Cet après-midi, l'Astrada de Marciac accueille une nouvelle venue dans le paysage déjà dense des chanteuses de jazz, une étoile montante, mais plutôt originale, danoise par sa mère et zanzibarienne / omanaise par son père, Nana Rashid.

 

Et ce n'est pas anodin de parler de cette double appartenance culturelle car on sent très vite qu'elle impacte de façon profonde les thèmes de ses chansons et sa façon de les offrir au public dans une mélancolie patente, beaucoup de douceur et de détermination.

 

Son album Music for Betty propose une approche du jazz vocal qui allie un cocktail de tradition du jazz nordique qui nous est peu connu et des inflexions de néo-soul et de blues avec l'utilisation de déclamations brûlantes à la Nina Simone.

 

Nana Rashid, couverture du Single "Mother, Father"
Nana Rashid, Single "Mother, Father"

Le set commence dans un noir léger avec une batterie solo rejointe par le chant a cappella pour un petit bout de « Motherless child » délicat et engagé.

 

Suivra ensuite « Mother, Father » qui va poser immédiatement le problème central de son chant : le questionnement de l'héritage et de la solitude, de la recherche de sa place dans le monde.

La voix est ample, belle et parfaitement et techniquement maitrisée avec des aigus un peu acides parfois mais qui ne la desservent pas. Elle sait se faire douce ou péremptoire selon les moments.

 

Elle a de réelles qualités d'impro en digressions, de la douceur, de l'enveloppement.

Nana Rashid, couverture de l'Extended play (EP) "Sorrow in sunlight"
Nana Rashid, Extended play (EP) "Sorrow in sunlight"

L'atmosphère générale n'est pas au rire ou à la joie, plutôt aux couleurs bleutées, aux confidences, à la douleur discrète et retenue.

 

C'est un set épuré, basé sur le récit, les histoires, les plaintes des réprouvés, des non dominants.

 

On en comprend le but et les intentions généreuses.

 

Le trio qui l'accompagne, Little North déjà connu par ailleurs (Benjamin Norholm Jacobsen au piano, Martin Brunbjerg Rasmussen à la basse et Lasse Jacobsen à la batterie) se révèle en parfaite osmose dans un jazz épuré, classique et ouvert avec de beaux moments d'impros et un groove léger présent en arrière-plan.

 

Nana Rashid, couverture du Single "Pearls"
Nana Rashid, Single "Pearls"

La quatrième chanson se déroulera sur un échange voix / contrebasse, très intéressant sans rythme vraiment marqué, avec une mélodie discontinue, très touchante, dévoilant toutes les qualités d'écoute des deux musiciens.

 

Outre ses propres compositions, Nana Rashid se plait à intercaler quelques reprises « Johnny Guitar » de Peggy Lee ou « No Moon at all » de Doris Day qu'elle interprète avec talent et innovation.

 

Seule déception pour moi, la reprise du « Smile » de Nat King Cole qu'elle traitera comme un exercice de style, avec des enluminures qui enlèveront toute la présence dramatique et désespérée de ce morceau (ah l'interprétation brute de Hugh Coltman !).

Nana Rashid, couverture du Single "Goodbye My Love"
Nana Rashid, Single "Goodbye My Love"

Un joli moment se profile ensuite avec une mélodie mélancolique qu'elle fera reprendre par la salle « Good bye my love ».

 

L'émotion est au rendez-vous et elle n'est pas feinte.

 

Pourtant malgré un vrai engagement, de la générosité, une très belle voix, et un vrai propos, il y a dans ce concert trop peu d'aspérités à mon goût.

 

Il y manque du lâcher prise, un soupçon de révolte. C'est sincère et pur  mais calme, trop calme...

 

 

Nana Rashid, couverture du Single "They call it love"
Nana Rashid, Single "They call it love"

Certes, sans faire plus de vent que cela ne serait nécessaire, la chanteuse danoise nous trouble par instant, avec cette langueur non feinte. Mais c'est cette même langueur qui parfois se révèle pesante.

 

Une même énergie un peu étale traverse le set sauf sur le dernier morceau plus tonique, plus iconoclaste qui nous laisse deviner ce que pourrait offrir une Nana Rashid « moins propre, moins jolie », débarrassée peut-être d'un désir de plaire ou d'être « parfaite ».

 

Un potentiel réel existe indéniablement chez cette jeune femme. Il est à surveiller de près !

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